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Zebra : « Quand le rock alternatif français est arrivé, j’ai trouvé ma musique »

Zebra n’est plus DJ. Du moins pas pour l’instant. Le bootlegger a entamé une nouvelle mue en reprenant la guitare pour sortir une galette à l’esprit boogie. De retour à ses premières amours, c’est un rockeur enjoué, ennemi de la langue de bois, qui défend son dernier projet. Il balance cette fois-ci une anecdote croustillante sur Fillon avant d’évoquer sa fan attitude envers Eddy Mitchell et de confesser qu’il préfère être bénévole dans une webradio plutôt de vendre son âme au diable sur la FM standardisée.

Ton album se nomme Mambopunk. Choisir l’opposition de deux courants, ne serait-ce pas ta période au service du bootleg qui te rattrape ?

Comme rock et roll (sourire). Tu t’es dis que c’est mon passé de bootlegger qui fait que j’ai mélangé les deux mots. En fait, c’est venu à la fin car je n’avais pas de titre. C’est Christophe Crénel – le responsable du visuel du clip et de l’album – qui me l’a trouvé alors que je lui faisais écouter l’album. « Fête à la maison », ça part mambo et ça finit très punk. Il lance : « Tiens, c’est du mambo punk ». On se regarde et il me dit « Voilà, t’as le titre de l’album » (rires). Après, il n’y a que deux chansons dans cet esprit. Le reste de l’album est du rock français créole, comme ils appellent ça. C’est très métissé.

Les cuivres rappellent l’esprit de la Ruda Salska…

On me l’a dit plusieurs fois. Ils ont une bonne session cuivres La Ruda. C’est ce que je préfère chez eux. Enfin, préférais… Donc, tant mieux. C’est du cuivre à thème, ce n’est pas du cuivre rythmique comme on en trouve dans le ska ou les orchestres rock guinguette populaire. Les deux cuivres sont complémentaires. Le tromboniste vient des orchestres de rue, il est habitué au rock. Il a collaboré avec Dyonisos, Olivia Ruiz… Nicolas, le trompettiste, a une formation classique. Il a failli rentrer à l’orchestre de Radio France. Ce mélange trombone de rue et trompette classique est très présent chez La Ruda, mais aussi très présent chez les Beatles ou les Fania All Stars. Mes références sont plus Beatles que Fania, d’où Manbopunk.

Le prends-tu mal si je te dis que certains titres sonnent yé-yé et qu’on t’imagine en duo avec Dick Rivers ?

Non, je ne le prends pas mal du tout. C’est vrai. Je t’avoue que je suis un grand fan d’Eddy Mitchell. Je suis plus Eddy que Johnny, mais je n’aime pas la période yéyé d’Eddy ; là, je préfère Johnny. Dans l’ensemble, le Eddy un peu swing avec des influences américaines et qui raconte des histoires, c’est une de mes nourritures.


Zebra – Peau de zèbre

Tu t’es toujours considéré comme un rockeur ?

Un rockeur dans le sens rock’n’roll, vraiment. Après, il y a différentes conceptions du rock ; ça va de Calogero aux Sex Pistols (rires). Tu vois, j’ai 43 ans, je me suis fait tout seul. Mes parents écoutaient les Doors et tout ça. Ensuite, j’ai voulu écouter le rock des années 80. J’ai été grand fan de U2, puis des Smiths – j’étais d’ailleurs plus Smiths que The Cure en 1984, car il y avait vraiment deux écoles. Quand le rock alternatif français est arrivé, j’ai trouvé ma musique.

Je voulais faire du rock punk chanté en français. J’insiste sur « chanté en français » car, pour moi, c’est vachement important. Je veux qu’on me parle de ma vie, qu’on me véhicule des paroles, des émotions, du rire. Actuellement, il n’y a plus ça. Il y a une « noir désirisation » du rock français. Trop poétique, trop rock à texte. Ça me faisait chier, alors je me suis dit qu’on allait revenir à du rock couillu. En 2015, je n’ai pas d’autre référence que la mienne dans ce rock très référencé 1990. Il y a encore les Wampas qui font ça, mais pour rire. Moi, je voulais faire un rock qui raconte une histoire. C’est pourquoi je dis que mes influences sont les Rita époque « The No Comprendo », leur deuxième album. En 1986, ils mélangeaient le punk et le métissage à la française.

La chanson « Tu Chantes comme une (petite pute) » puise sa source dans une inspiration gainsbourienne ?

Je l’avais pas pensé Gainsbourg au début, mais je l’ai gainsbourisé suite aux conseils d’un ami. Je la chantais plus haut au début, donc c’était plus moqueur. Mon pote m’a dit : « Ecoute « Mauvaises nouvelles des étoiles » de Gainsbourg ». Je l’ai écouté en entier et j’ai dit « OK, c’est trouvé ». C’est ce Gainsbourg là qui m’a fait changer la chanson.

Les femmes sont choquées par cette chanson ?

Ce n’est pas dans l’air du temps de parler comme ça. Encore moins depuis l’histoire Charlie Hebdo. « Du sang sur les murs » n’en parlons même pas, ça frôle le boycott (rires). Les nanas sont choquées en effet, sauf celles branchées cul. Bizarrement, je connais plein de filles qui sont misogynes, à dire « Ouais, les meufs sont trop connes ? Nous, on aime la bite, les couilles et t’as raison de parler comme ça ». Elles ont un côté mec. Je la chante depuis un an et c’est clairement le moment houleux du concert. Ça fait « Ouais » ou « Bouh »… Les gens se regardent pour savoir s’ils doivent applaudir. Mais vu que j’aime bien les chansons qui dérangent, je l’ai gardée.

Vu le climat ambiant, ça fait pas de mal d’écouter un album joyeux. Il suffit de lire le nom des chansons pour comprendre : « Someone to Love », « Chanson Sympathique », « Fête à la Maison »…

C’est double effet. Derrière l’apparence sympathique, c’est super trash. « Chanson Sympathique », c’est une reprise de Miossec. C’est un titre très sombre que j’ai repris avec une influence Johnny Cash. Elle n’est pas sympathique du tout cette chanson, puisque ça parle des faux amis qui en ont rien à foutre de ta gueule. En écrivant cet album, je me suis heurté au départ de pas mal d’amis qui disaient : « Fais chier, t’es tellement bon en DJ, pourquoi tu te mets à faire de la chanson, c’est n’importe quoi ! ». Ils ont tout fait pour me décourager. Je voulais absolument faire une reprise de Miossec. J’ai donc choisi celle-ci car il l’a dit mieux que j’aurai pu l’écrire.

Après, il y a « Fête à la maison », c’est n’importe quoi. Je l’ai coécrite avec Jean-Paul Bathany, ex-auteur des Guignols de l’info et de H. Un mec super trash. A la base, je voulais écrire sur un mec qui prend tous les cachetons possibles dans une fête et qui, à la fin, se jette par la fenêtre. Une chanson qui finit très mal. Tu vois comme quoi j’aime bien foutre le malaise. Lui me dit : « Non, non, écris plutôt sur un flic qui prêche l’insurrection ». C’est le bordel : bruit, coke, orgie, tout ça. Les flics se pointent et réalisent que c’est un collègue. Il va pousser jusqu’au bout pour voir leurs réactions.  Sous l’apparence gentille d’une fête à la maison, le flic traite le commissaire de tapette. Bref, c’est un défouloir (rires).


Zebra – Du sang sur les murs

« Du Sang sur les Murs », chanson engagée qui a été rattrapée malgré elle par l’actu.

Comme tu l’entends au début de la chanson, il y a un extrait d’un journal télé où Fillon dit qu’il y aura du sang sur les murs. C’était à l’époque de la guerre Copé-Fillon pour la présidence de l’UMP. Je trouvais ça super violent. J’ai rencontré l’ex-directrice de la communication de l’UMP pendant le quinquennat de Sarkozy, par une connaissance d’une connaissance. Toute la soirée, je lui parle de cette idée d’écrire une chanson sur Fillon. Elle me répond: « C’est incroyable que tu dises ça, car on ne connaît pas Fillon ainsi. On a l’impression que c’est un mec modéré, mais c’est un sanguinaire qui ne supporte pas que l’on ne parle pas de lui, sinon il casse tout ». A l’UMP, on leur demande de rester tranquille mais ils sont très nombreux à être comme ça. On leur dit de bien rester tranquille et « NOON, CASSER » (rires).

Dans le clip, je ne voulais pas faire une diatribe anti-UMP, donc j’ai tourné ça de façon journalistique. Ce sont les médias qui le mettent en exergue. J’ai notamment découpé Libération pendant un mois, avec ces mots « attentat, guerre, meurtre ». En fait, la presse en fait des caisses là-dessus. Ça montre la manière dont la presse parle de la politique en France. Il y a une seconde lecture du clip que des gens n’ont pas perçu, car je n’en veux pas spécialement à l’UMP. En vérité, tous les partis politiques sont comme ça. Les Verts, c’est pire que tout aussi.

Le problème, c’est que depuis le 7 janvier, « Du Sang sur les Murs » passe pour la chanson Charlie Hebdo. Je ne sais pas ce qu’elle va devenir… Mais musicalement, je voulais faire du Trust avec les cuivres. Petit aparté rock’n roll pour ce titre : la batterie est celle de « Little Sister » des Queens of the Stone Age. Toutes les batteries de l’album sont des samples. Il y a du beau monde. Si on cherche bien, il y a l’histoire du rock’n’roll… Le reste, c’est joué.

Tu as fait de la radio pendant longtemps. Cet univers ne te manque pas ?

J’en fais encore sur une webradio. J’ai une quotidienne à 19h sur La Grosse Radio qui s’appelle La Tournée. De 2003 à 2014, j’ai fait de la FM sur Ouï FM, Virgin, Le Mouv’, France Inter, re- Ouï FM, re-Virgin. Je me faisais virer tous les deux ans (rires). A la fin de Virgin, j’ai réalisé que les émissions spécialisées sont terminées sur la FM. C’était la fin d’une époque, il n’y avait aucune liberté. Virgin voulait me faire mixer de l’électro, mais c’est pas ma came. Maintenant je suis bénévole, mais j’ai une liberté totale qui me permet de tester un nouveau format qui se passe dans la rue, en tournée, partout. Je n’aime pas les animateurs de plateau, j’aime le bruit de la rue. Donc si je dois revenir sur la FM, ça sera comme ça et pas autrement. Chez moi, c’est complémentaire la radio.

Vous pouvez vous replonger dans l’interview la plus WTF de l’histoire de Sourdoreille où Zebra s’enfarine la tronche ici. En concert gratuit le 4 mars à L’International (Paris).

Crédit photo : Marylène Eytier - aubondeclic.com
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