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Recondite : « J’ai fait un disque dansant qui garde toute sa mélancolie »

Doucement, le producteur électro s’invite à la table des grands, balançant à la face du monde sa musique brumeuse et mentale. La mélancolie, il la puise dans sa Bavière natale où il a vécu de nombreuses années entouré d’arbres, de rivières et de cailloux. A l’occasion de son troisième album « Iffy », sorti chez Innervisions, on a papoté avec lui du lien entre création et saisons et de la ville qui emporte les foules. Plongeon dans les broussailles.

Tu aimes dire que la Bavière et son climat sont des moteurs de ta créativité depuis tes débuts musicaux. De quelle façon ?

Les saisons sont très importantes pour moi, dans les changements qu’elles opèrent sur la nature. Je ne pense pas pouvoir vivre dans des coins où les saisons ne sont pas marquées. Comme à Los Angeles, par exemple. Je préfère habituellement les temps froids et tu ne seras pas étonné que l’été ne soit pas mon fort. Après, je ne dirais pas que je suis plus inspiré à telle ou telle saison mais le fait que j’aie grandi dans une région où les nuances sont importantes a forcément joué dans la construction de mon caractère et donc de mes compositions.

Jouons au naïf jeu « un morceau = une saison », si tu le veux bien.

Mon titre Leafs est celui que je rapprocherais le plus à l’hiver. Automne serait plus… l’une de mes toutes premières compositions, mon morceau Robur. L’été aurait l’air de Caldera [notre vidéo, prise au Big Bang à Paris, le 07/11/14 est à la fin de l’entretien / NDLR], qui ressemble à l’extérieur, aux festivals, à la fête. Et le printemps aurait l’air de mon morceau Levo [clip juste en-dessous / NDLR], parce qu’il est nouveau et qu’il n’est pas complètement chaud.

Dans le clip de ce morceau, tu te montres proche de la nature. Comme les premiers hommes ?

L’idée était de me filmer marcher dans la nature, sans qu’on pense tout de suite au musicien. J’ai juste laissé des amis me filmer dans la forêt, à côté de la rivière de cette région sauvage. C’est un clip sans prétention.

Tu as grandi dans un coin paumé étant enfant ?

J’ai grandi dans un village les 6 premières années de ma vie. Ensuite, on a déménagé dans un hameau, tout aussi petit. J’ai passé beaucoup de temps seul et y ai trouvé beaucoup de liberté et de paix. Je pouvais faire ce que je voulais.

Ensuite la ville ?

Oui, je suis allé m’installer à Munich, puis en Autriche et ça fait 5 ans que je vis à Berlin. Mais je pense de plus en plus à un retour définitif en Bavière.

Deuxième jeu : si tu devais y passer un hiver avec un ou deux artistes, tu pencherais pour qui ?

Richie Hawtin serait un bon coéquipier. Parce qu’il m’a beaucoup appris ces derniers temps. Son restaurant favori à Tokyo, des super plans à Berlin, à NYC et il m’a introduit à beaucoup de festivals. Il m’a beaucoup soutenu. Je pense à lui surtout parce que je sais qu’il a une grande passion pour le saké et vu que mon oncle fait du schnaps bavarois maison, ça pourrait l’intéresser.

Il n’aurait pas peur devant autant de nature ?

Non, je pense qu’il aimerait. Il aime la découverte. Ça fait 25 ans qu’il traverse le monde et le contraste avec le calme et la simplicité de la Bavière le surprendrait.

Un dernier ? Parce que c’est mieux à trois.

Hmm. Dominik Eulberg sûrement. Je sais qu’il adore la nature, qu’il passe ses journées entre la musique et l’ornithologie et qu’il milite pour la protection de la nature.

Après un album assez abstrait « On Acid » (2012) et un album concept autour des saisons et de la nature « Hinterland » (2013), tu as opéré un virage plus club ou plus calibré pour les dancefloors. On te connaissait plus pour des morceaux contemplatifs, que t’est-il arrivé ?

C’est vrai que la musique de ce nouvel album est plus « jouable » que celle des autres albums mais je ne dirais pas qu’elle est « club ». Mon premier album « On Acid » était étrange. Il se base sur deux ou trois sons. C’est un peu comme de l’art contemporain, pour l’écouter et le comprendre, tu dois connaître le contexte. A savoir qu’il a été fait sous acides. Ensuite, « Hinterland » était l’un de mes souhaits depuis pas mal de temps. Je voulais interpréter certaines ondes des lieux de mon enfance. Et « Iffy » représente mon état d’esprit actuel, mes voyages, ma nouvelle vie d’artiste en tournée dans des lieux complètement différents. Des hauts, des bas. J’ai fait un disque dansant, une musique accessible pour un festival, un club, qui garde toute sa mélancolie. Pour que les gens puissent écouter ma musique dans des endroits très variés. Même chez eux.

Les influences, tu les trouve où ?

J’ai toujours énormément écouté Dial Records – Lawrence ou Efdemin par exemple. Leur approche est très mélodique et deep. Mais aussi, Pantha du Prince. Et pas mal d’artistes de Kompakt. Je suis assez mauvais avec les noms. Sinon, pas mal de hip-hop US de la côte est. Mais aussi du hip-hop allemand. J’ai eu aussi toute période heavy metal, comme les « Black Album », « Ride the Lightning » et « Kill em all » de Metallica, les deux premiers albums de Rammstein également, les groupes Life of Agony et Type O Negative. J’aime leur mélancolie et les ondes dark qu’il véhiculent.

Tu conseillerais à tout le monde de grandir en pleine nature ?

Oui, sincèrement. Quand tu grandis dans une région où tu n’as pas constamment d’obligations sociales, surtout quand tu n’es pas très doué avec ça, c’est sain. Tu as plus le temps à te concentrer sur toi et te faire une place plutôt que d’essayer de vivre avec d’incessants éléments perturbateurs. Le trafic automobile, la violence, le bruit, le stress, la pollution, l’accumulation de gens. A la campagne, tu peux facilement développer ta sensibilité. Tu peux être plus réactif à la beauté, comprendre la nature, la paix, le silence. Il y a une chose que je trouve super agréable aussi : tu peux arriver sur une prairie, dans une clairière, n’importe, y passer un moment et repartir avec la conviction qu’il t’appartient. Ce sentiment d’appartenance est plus compliqué en ville. Après, c’est ce que je pense et j’imagine que beaucoup de gens arrivent à développer ces capacités en ville. Mais, je le conseillerais à tout le monde.

C’est paradoxal parce que maintenant tu fais de la musique pour des foules de gens qui dansent en groupes, voire esseulées, dans leur monde intérieur. Comme en ville. Des paquets de gens qui se croisent.

Les gros rassemblements comme en festival ou en club, c’est une autre histoire. Parfois, c’est magique, parfois vraiment bizarre. Mais, effectivement, il existe au sein de ces endroits, des petites communautés, et à l’intérieur des gens seuls. Mais ça n’est un endroit de passage, une pause dans ta vie.

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