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Pussy Riot, l’indignation à la sauce punk

Comment un groupe de punk russe risque sept ans de prison pour avoir chanté dans une cathédrale de Moscou ?

Pendant l’été, difficile d’avoir d’autres infos que celles en provenance des JO de Londres. Noyé dans ce torrent de patriotisme sportif, un événement a cependant réussi à sortir (un peu) du lot : le procès de trois jeunes femmes du collectif Pussy Riot. Leur tort ? S’être produites quelques minutes dans la cathédrale orthodoxe de Moscou en chantant « Vierge Marie, mère de Dieu, chasse Poutine, chasse Poutine, chasse Poutine ». Les Pussy Riot voulaient par cette action dénoncer la connivence entre l’église et le pouvoir. Elles encourageaient également la Vierge Marie à devenir féministe !

C’était le 21 février dernier. Depuis, trois membres de ce collectif informel et mouvant sont emprisonnés. Accusées de « hooliganisme », un crime d’Etat en Russie, ces artistes-activistes risquent sept ans de prison. Le procureur a requis, mardi 7 août, trois ans de détention en camp d’internement. Étrangement, en Russie, cette disproportion entre les actes commis (une performance sans violence, mais aux paroles provocantes et insultantes) et la peine encourue ne choque pas. Une majorité des Moscovites s’est, en effet, indignée du blasphème fait à l’église orthodoxe.

Le Kremlin, lui, est bien heureux de pouvoir s’abriter derrière la religion pour sévir comme il l’entend. Car l’enjeu est important pour Poutine et sa bande : casser le mouvement de contestation qui sévit depuis plus d’un an, et qui prend ces derniers mois une tournure plus radicale. Les Pussy Riot, formées il y a moins d’un an, avaient déjà sévi dans plusieurs espaces publics de Moscou : Place Rouge, sur le toit d’un bâtiment faisant face à un commissariat, dans le métro, sur un tramway…

Provocations, occupation de l’espace public, mélange des arts… Le cocktail a tout de l’artivisme, puisant dans les idées subversives des situationnistes et autres dadaïstes. Deux des filles incarcérées font d’ailleurs partie de Voina. Cet autre collectif d’artistes russes, monté en 2007, s’était fait remarquer pour plusieurs provocations envers le pouvoir, notamment avoir peint un immense phallus sur un pont levant, juste devant le siège de FSB (ex-KGB).

Que la musique des Pussy Riot ne plaise pas à la majorité des Russes n’est pas étonnant. Que leurs paroles choquent et provoquent l’indignation non plus. Extraits :

Une colonne rebelle se déplace vers le Kremlin,
Les fenêtres explosent à l’intérieur des bureaux du FSB.
Les salopes pissent derrière les murs rouges
L’émeute est appelée pour l’extermination du système !

Attaque à l’aube ? Je ne suis pas contre,
Pour notre liberté commune, un fouet pour châtier
La Madonne à sa gloire apprendra à se battre
Madeleine la féministe, viens manifester

Révolte en Russie – le charisme de protestation
Révolte en Russie – Pisser sur Poutine
Révolte en Russie – nous existons!
Révolte en Russie – Émeute ! Émeute !

Mais en quoi ces paroles, si violentes et vulgaires soient-elles, constituent un crime d’Etat ? Comment accepter que chanter une telle chanson puisse valoir trois ans de prison ? Interrogé par le Journal de Russie, Oleg Koulik, artiste plasticien expert en provoc, estime que l’aspect artistique a été une cause aggravante pour les Pussy Riot : « Ce que les Pussy Riot ont fait est de l’art. Pourquoi se retrouvent-elles en prison ? C’est parce que le pouvoir ne pouvait pas admettre qu’on critique l’Eglise, la seule institution qui, dans le cas d’une révolution, se lèvera pour sa défense. Le pouvoir a réagi de façon d’autant plus raide que l’action des Pussy Riot était douce, pratiquement inoffensive. Qu’est-ce qu’elles ont fait, ces jeunes femmes ? Elles n’ont pas haché les icônes, elles n’ont tabassé personne, elles ont juste dansé et chanté. Et c’est exactement ce que ni le pouvoir ni l’Eglise n’ont pu supporter. Si seulement Pussy Riot avait fait un véritable acte d’agression, cela aurait voulu dire qu’elles respectaient leur ennemi et le prenaient au sérieux. Par leur acte très soft, elles ont montré qu’elles n’avaient même pas peur. Il fallait donc leur faire peur.« 

L’histoire de ces trois Pussy Riot constitue un motif d’inquiétude autant qu’il soulève des espoirs. La répression féroce et disproportionnée reflète l’état d’esprit du moment, où la peur permet toutes les dérives sécuritaires. Même si un tel verdict n’aurait probablement pas pu voir le jour en France, la liberté d’expression, notamment artistique, semble plus que jamais sur la sellette. Pour le maintien de l’ordre public bien sûr…

Mais cet électrochoc punk est aussi une lueur d’espoir dans le marasme culturel de ces dernières années. Que la crise ravive les consciences des artistes et pousse à la subversion ne peut être qu’une bonne chose. Depuis quelques jours, un joli concert de soutien s’organise autour des Pussy Riot. Et pour une fois, cela ne s’arrête pas aux simples professionnels du pathos (Madonna, Sting, Peter Gabriel). Partout dans le monde, des initiatives ont vu le jour. Rien qu’en France, plusieurs manifestations ont été organisées ces dernières semaines, des artistes underground ont réalisé un album de soutien (Pussy Riot, je t’aime) et le Palais de Tokyo organise une exposition hommage (Le cas Pussy Riot). A Montréal, signe que la démarche des Pussy Riot s’inscrit dans le cadre global des révoltes populaires récentes (Les Indignés/Occupy/Révoltes arabes), le désormais célèbre Anarchopanda a manifesté devant le consulat russe. Partout, les cagoules colorées fleurissent dans les rassemblements et autres concerts de soutien. Côté artistes internationaux, les Faith No More se sont illustrés lors de leur dernier concert à Moscou. Les Américains ont en effet invité les membres non incarcérés du collectif à monter sur scène pour chanter un titre appelant à une révolte en Russie. Mike Patton et ses acolytes ont ensuite joué un titre cagoulé. Une initiative accueillie de manière plus que mitigée par le public russe…

 

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