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Mutek, défricher sans mordre la ligne

Au MUTEK, les festivaliers trinquent à la bière asiatique (au grand dam des mousses locales) dans des lieux polymorphes et pas vraiment punks, comme le Musée d’Art Contemporain ou le Théâtre Maisonneuve situés dans le centre-ville. Un cadre intimiste et pointu à l’image de la programmation. Si la signalétique laisse à désirer (on a cherché en vain la deuxième salle du MAC le premier soir), le reste est réglé comme du papier à musique. C’est classe, précurseur et ça ne déborde pas ! Petit tour d’horizon du Montréal version Mutek.

Sans m’as-tu-vu ni jeunesse tape-à-l’oeil, le public à la trentaine affirmée se compose essentiellement d’amateurs de son au sens propre du terme et de professionnels de la musique. Quoi qu’il soit, et c’est une évidence, ces festivaliers sont respectueux et très (trop) sages. Ce fut le cas lors de l’excellent live batterie vs machines de James Holden : la salle se remplit mais sans aucun mouvement de foule, dans un calme assez inédit. Même sensation en fin de soirée avec le set du désormais controversé Ten Walls (non, ça n’a pas hué, le buzz homophobe étant arrivé juste après) qui nous invite au voyage dans un set deep soutenu.

On retrouve cet état d’esprit bon enfant en journée, sur le parterre du Quartier des Spectacles, qui fait se rassembler en accès libre les familles comme les bandes d’amis. Chill dans l’herbe et espace encadré pour les boissons alcoolisées du site – pas de tentative d’ivresse sur la voie publique québecoise ! Le spot idéal pour récupérer des émotions de la veille.

Apprécier les contrastes

La Nocturne du jeudi dépasse les retranchements de l’expérimentation sensorielle avec des prestations visuellement aussi impactantes que le contenu musical. En témoigne le projet atmosphérique Antartic Takt de la russe Dasha Rush malgré un petit souci de branchement qui coupe la prestation visuelle évanescente de son comparse. Changement de plateau, pas le temps de s’y préparer vraiment que Takami Nakamoto et son batteur Sébastien Benoits se déchaînent sans retenue derrière laptop et batterie électronique. En toile de fond, une trentaine de tubes halogènes placés à l’horizontale rend la scène hypnotique. Mais ce sont surtout les élans quasi dubstepiens du duo qui font par moments frémir le public. Aux frontières du mainstream mais on valide quand même.

Mutek2015_Nguyen-0050

La soirée Faith in Techno au Metropolis annonce la dégustation d’une poutine locale au milieu de la nuit. Attrapé au vol, les prémices du set électronique d’Andy Stott se savourent du haut des gradins façon club hollandais des 90’s. Beaucoup de tentatives pour un résultat, n’en déplaise aux puristes, assez décousu. La techno implacable de Steffi réveille nos neurones ; résidente du Panorama Bar, vous avez dit ? Pendant ce temps, visuellement, c’est la claque. Des projecteurs quadrillent la scène dans son intégralité, éclairant par moments l’effigie omniprésente d’un partenaire à cornes. Place à l’énigmatique Rrose qui envoute le public avec une progression deep subtile.

rrose

La silhouette charismatique s’efface, et voilà que le live techno de Lucy prend une dimension épileptique avec l’affichage de 9 panneaux LED en façade arrière. Propulsé dans les basses, le public absorbe un VJing hypnotique – pas besoin de drogues – , et on se dit que le MUTEK conserve sans nul doute sa réputation d’avant-gardiste numérique avec une scénographie aussi réussie. Le cœur y reste, pas nos tympans : merci au système son et aux techniciens.

Culture des sens

On en aurait presque oublié les workshops organisés gratuitement au Centre d’art Phi. Le samedi par exemple, c’est Kode9 qui vient initier une audience studieuse au logiciel de MAO Ableton. On arrive à la toute fin, le temps de capter le commentaire d’un participant apparemment très content – et à l’accent très français. Session de rattrapage : l’accès express à la projection muti-sensorielle de l’artiste et de son collectif AUDINT. Un équipement spécial est de rigueur : casque individuel, mini lampe-torche et surtout, ce sac à dos en forme de carapace, le Subpack, qui diffuse des sons sous forme de vibrations. Le projet narratif est joliment intitulé Delusions of the Living Dead, mais on n’aura pas tout compris, notre anglais laissant toujours à désirer. On se souviendra par contre de ces petits frissons dans le dos.

martin

Mentions spéciales pour…

– La performance de Martin Messier dans le cadre des concerts A/Visions. Seul, l’artiste officie en reliant par des jacks une structure articulée composée de deux pans métalliques. Claquements sonores et flashs visuels exceptionnels, ou quand le corps accompagne au mieux les machines… On voulait mettre une photo authentique mais une voix off a annoncé qu’il ne fallait pas prendre de photos. On était au Québec, on n’a donc pas pris de photos.

– Le trafic de lunettes 3D à l’entrée de la petite salle du MAC. Pas de pop-corn ce samedi soir mais une projection grand écran en relief, appréciable par le port de ces rectangles bancales. Pour du son, on n’avait jamais vu ça.

Basic House, le patron du label britannique Opal Tapes qui, campé dans un coin de la scène à l’instar d’un warm-up, a su redonner ses lettres de noblesse à l’analogique.

– On nous a raconté qu’une festivalière étrangère s’est installée à Montréal après avoir été séduite par sa venue au MUTEK. Pour la petite anecdote, c’était il y a dix ans, et elle y vivrait toujours…

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