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Mozinor repasse en mode rave à Montreuil

Dans dix jours, Montreuil (93) va revivre ses années 90. Deux passionnés ont décidé de monter une rave à l’ancienne dans l’ex-usine Mozinor. Neuf heures de célébrations dans un lieu très prisé, portées par le DJ américain Frankie Bones, pilier du label Sonic Groove. Interview fleuve des organisateurs, et coup d’oeil dans le rétro.

C’est quoi cette histoire de rave à Montreuil ?

Manu Casana : C’est une rave à une adresse mythique des premières raves parisiennes. Célébration pour fêter les 20 ans de la première venue de Frankie Bones lors de la soirée Rave Age Records à Asnières-sur-Seine en février 92. C’est aussi l’année du premier concert de Underground Resistance aux Trans Musicales de Rennes qui fut d’ailleurs le premier live européen des pionniers de la Techno de Détroit. C’est aussi l’occasion de fêter les 3 ans du site Old School But Good School créé par Stéphane. Montreuil, car nous avons eu l’opportunité d’obtenir un bon contact avec la municipalité qui nous loue cet entrepôt dans les locaux de la zone industrielle (Mozinor). Dans un premier temps, nous devions l’organiser à Asnières, à l’adresse de la plupart des soirées du genre en ce moment, mais une rave c’est aussi des lieux improbables, donc l’occasion a fait de nous les larrons.

Stéphane (Old School But Good School) : J’ai rencontré Manu sur Facebook, j’avais déjà entendu parler de lui évidemment. Il m’a parlé de son projet. De mon côté, je voulais aussi marquer le coup pour les 3 ans de mon site, organiser une grosse soirée. On s’est parlés, on s’est appréciés, j’en ai parlé à un ami, Khelil, qui était aussi partant pour organiser ça avec nous. Forts de cette énergie et de cette envie commune, on s’est lancés dans cette aventure.

Pouvez-vous nous parler un peu du lieu ?

Manu : Ce n’est pas une friche, c’est un entrepôt dans l’immense bâtiment industriel Mozinor (photo). Pour de nombreuses personnes qui ont vécu et découvert les raves entre 91 et 94, Mozinor représente “La Mecque”. Notre soirée n’est pas dans la “soucoupe” comme beaucoup l’ont appelé, mais bien dans un entrepôt à cette même adresse, ce qui ne gâche rien à l’événement. Ça lui donne même la dimension des premières soirées anglaises et des vraies soirées internationales qui se situaient dans des Warehouses en milieu urbain.

Vous en profitez pour fêter les 20 ans des premières raves avec Underground Resistance en France. Pour ceux qui n’ont pas vécu cette époque, pouvez-vous en parler un peu ?

Manu : 1992 est une année charnière en France pour le mouvement. Que ce soit musicalement parlant ou au niveau des fêtes, c’est l’année où les labels indépendants, Fnac Music Dance Division (futur F-Communications, label de Laurent Garnier et Eric Morand) et Rave Age Records, ont sorties leurs premières compilations de musiques électroniques françaises. Les maisons de disques BMG, Virgin ont suivi avec les leurs et Sony signait des labels étrangers en licence. Bref, après plusieurs années à déclarer que la house n’était qu’une mode et une musique sans avenir “commercial” (j’en rigole encore), les médias, les majors et les clubs ont enfin pris la dimension de ce mouvement culturel (en pensant qu’il y avait là, un peu d’argent à se faire).

Côté soirées, il y en avait tous les week-end, sur Paris tout du moins, des bonnes des moins bonnes, mais pour celui qui voulait sortir hors des clubs il y avait de quoi faire. Les tourneurs et les promoteurs de concerts en avaient toujours rien à foutre : un DJ ce n’était pas assez “visuel”, ce n’était pas “un spectacle”. Et puis les patrons de ces sociétés étaient très certainement moins ouverts qu’à leur début dans le métier.

Stéphane : Pour ma part, ma première rave était en 94 donc quelques temps après. Je fais partie de la deuxième génération de ravers. L’esprit était tout de même encore bien là et vivace. Il y avait encore les raves “sauvages” avec infoline et tout les stratagèmes pour éviter les flics. On voyait fleurir les grosses raves encadrées avec de sacrés plateaux quand même. C’est marrant car le statut de “DJ Star” a commencé peu après… Au début du mouvement, on allait écouter de la musique et danser avant tout. Ensuite, peu à peu, certains DJs ont commencé à émerger donc on venait écouter un ou des DJs. Et là on voit revenir la starification du DJ 20 ans après, voire l’idolâtrie. Tout ça est vraiment cyclique… La seule différence c’est qu’à l’époque, même s’il y avait ce statut de “star”, ce n’était pas aussi excessif. Les DJs passaient de la bonne musique et ne gagnaient pas des millions pour passer de la soupe (pour être poli).

Mars-T, Sun On The Moon

Justement, en 20 ans, comment a évolué le mouvement rave en France, à vos yeux ?

Manu : Avec le temps, les récupérations, les autorités et leurs interdictions, le mouvement a pris un peu toutes les directions, des bonnes comme de très mauvaises. Les bonnes avec des collectifs comme Fantom, Lunacy, Cosmos Fact, plus tard Borealis et quelques autres qui ont réalisé des soirées mémorables où l’esprit rave était respecté. Mais à cause des obligations de mise aux normes, de conformités, de contrôles fiscaux, de demandes d’autorisations préfectorales, etc…, de vrais passionnés ont du laisser la place aux récupérateurs qui n’ont absolument pas respecté l’esprit initial, fédérateur et libertaire. L’ouverture d’esprit et le respect se sont perdus peu à peu. La house et ses dérivés ont été cantonné dans les clubs et cela a poussé les plus durs, voire extrémistes vers ce que l’on a appelé les Free-parties avec tout ce que cela a pu impliquer. Et surtout cela a permis de diaboliser le mouvement de manière à mieux le réprimer. Aujourd’hui, comme un cycle, comme une nécessité, des nouvelles générations veulent exister et se libérer. Certaines choses reviennent : l’esprit, la musique, beaucoup moins “dark” et chiante que ces dernières années. On retrouve l’esprit festif, créatif et humaniste qui animait les initiateurs et les premiers ravers. Cela fait du bien de voir tout ce que la jeunesse peut apporter à une société parfois rétrograde.

Stéphane : Dans n’importe quel milieu, il y a 2 choses qui peuvent pourrir un état d’esprit initial : l’argent et l’égo. La musique électronique n’y a pas échappé. Ça fait partie de notre monde. On ne peut pas rester avec des fleurs dans les yeux toute la vie. Oui, il y a eu des profiteurs, des récupérateurs, la musique électronique est devenue mainstream, elle s’est professionnalisée. Elle est maintenant partout et l’esprit s’est évaporé mais il revient, j’y crois. L’âge d’or des raves est révolu, c’est clair mais il y encore de belles fêtes, de beaux festivals, des gens qui découvrent cette musique et tout ce qu’il y a autour. Il y a un revival qui s’opère depuis quelques années, ce n’est pas une vue de l’esprit et c’est bien je trouve car il a beaucoup à apporter.

Frankie Bones – Call It Techno (Jep Bootleg 1989 re-edit)

Vous êtes nostalgiques de cette époque ?

Stéphane : Pour ma part, je l’étais peut-être un peu oui. C’est certainement pour ça que j’ai créé Old School But Good School d’ailleurs. Je pense que ça a été une sorte de thérapie car maintenant ça va beaucoup mieux !

Il y a tellement de choses qui se passent maintenant, l’effervescence est encore là et on en profite encore. La musique n’est pas une question d’âge ni d’époque. C’est sûr qu’on ne reviendra pas à ce que l’on a connu à l’époque mais il faut être content de l’avoir vécu. Et faire en sorte que cela ne tombe pas dans l’oubli car il y avait quelque chose de plus que la musique. C’est déjà énorme.

Manu : On regrette toujours d’avoir été jeune et pas uniquement les ravers. Les rockeurs, les politiques, les flics, tous ceux qui se voit prendre année après année, se disent qu’ils regrettent leurs années d’insouciance. Donc oui, vu comme ça, je peux regretter l’époque où j’étais jeune, mais comme je le dis plus haut, je suis super optimiste, car d’autres qui regretteront plus tard leur jeunesse sont en train de vivre des moments et de s’engager dans leurs insouciances. Pas de nostalgie, on ne revivra pas ce qui a déjà été vécu, mais on peut vivre de nouvelles choses avec la même ferveur, si l’on ne se cantonne pas au chemin tout tracé d’un système qui oublie de plus en plus l’être humain et que l’on laisse exprimer l’amour qui est en nous.

Plastikman – Ask Yourself (Louca remix)

Revenons à la rave du 13 octobre. Vous dites que cette rave est activement soutenue par la mairie de Montreuil ?

Manu : Oui, la municipalité de Montreuil via leur société immobilière nous loue l’entrepôt et tente quelque chose avec nous, elle ose et nous fait confiance, quelque part c’est un soutien. On attend un peu plus et on nous a promis des aides matérielles, on ne demande pas d’argent mais c’est déjà un grand pas. C’est une démonstration d’ouverture et de compréhension et pour cela on ne peut que les remercier car il y a forcément des détracteurs. La mairie de Montreuil est très loin des pensées conservatrices et rétrogrades. Le plus important des soutiens sera celui des ravers qui de par leur attitude et leur comportement vont donner une image positive de ce mouvement.

Un petit mot sur le line-up pour finir ?

Stéphane : Nous accueillons Frankie Bones évidemment, c’est un peu “sa” soirée vu que nous célébrons sa première venue en France. C’est un très très grand DJ. Mark Flash représentera Underground Resistance. Il fait partie des nouveaux venus de ce label légendaire, nous ne doutons pas un instant qu’il transmettra l’esprit de la Techno “made in Detroit”. Craig Morrison de Silicone Soul sur Soma dont la réputation n’est plus à faire sera présent également. Côté français, il y aura l’excellent Kristofo, l’ex-résident des fameuses soirées Automatik du Rex, Mars T, un jeune homme très talentueux révélé par Laurent Garnier et enfin Louca, un jeune producteur parisien proche du label Pop Corn qui monte, qui monte.

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