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Mémoire de luttes : Miriam Makeba

Les artistes qui ont ouvertement pris part à des luttes ne manquent pas à travers les siècles et les continents. Pourtant, parmi eux, seuls quelques-uns sont allés plus loin, mêlant irrémédiablement leur œuvre, leur lutte et leur vie. Artistes entiers et sans concessions, ils ont consacré tout leur temps, toute leur énergie à écrire et chanter leurs luttes. S’ils l’ont payé de leur vie, leur musique reste à jamais liée à leur combat. Nous leur rendons hommage à travers une série de portraits. Après Lounès Matoub et Victor Jara, voici donc l’histoire de Miriam Makeba.

Tout au long de sa vie, Miriam Makeba aura vécu dans la lutte et le combat. Celle qu’on appelle Mama Afrika n’a que quelques jours lorsque sa mère est emprisonnée pour  fabrication illégale de bière. Elle a 14 ans lorsque l’apartheid débute. Une discrimination raciale institutionnalisée qui l’empêchera d’être scolarisée dès l’âge de 16 ans. Sa rencontre avec la musique se fait quelques années plus tard : elle commence à chanter vers 20 ans avec les Cuban Brothers, puis devient choriste du groupe Manhattan Brothers, en 1952, qui lui donne son nom de scène. Très vite, le succès est au rendez-vous, notamment après 1956, date à laquelle elle écrit son plus grand succès, devenu tube planétaire : Pata, Pata.

Penser qu’une telle chanson et qu’une telle musique ne constitue pas une œuvre contestataire, c’est passer à côté du combat singulier et puissant de Miriam Makeba. Car dès ses débuts, cette douce rebelle liera son parcours artistique à son combat contre l’apartheid et pour l’émancipation des pays africains de leurs colonisateurs. Makeba est ainsi devenue l’icône d’une Afrique libre, autonome et fière. En 1959, elle est contrainte à un exil qui durera 31 ans, en raison de son apparition dans le film anti-apartheid Come Back, Africa de l’Américain Lionel Rogosin. Elle ne cessera de prononcer des discours anti-apartheid et d’appeler au boycott de l’Afrique du Sud, jusque devant les Nations Unies. En 1966, elle reçoit un Grammy Award pour son disque « An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba » et devient la première Sud-Africaine à obtenir cette récompense.

Sa musique, sans jamais être teintée d’amerture ou de rancoeur, incite les peuples africains à lutter pour leurs identités tout en prônant la tolérance. Elle chante alors aussi bien en zoulou qu’en xhosa ou même en arabe. Car Mama Afrika, bien qu’apatride et constamment en déplacement (Etats-Unis, Europe, Afrique) se pose dans les années 60 à Alger comme de nombreux militants tiers-mondistes de la planète : des guerrilleros sud-américains aux indépendantistes de l’IRA ou de l’ETA en passant par la frange radicale du mouvement pour les droits civils afro-américain aux Etats-Unis. A l’époque, Alger se présente et s’affirme comme la « Mecque des révolutionnaires ». C’est ici, alors qu’elle avait obtenu la nationalité algérienne, que Makeba rencontre son mari, Stokeley Carmichael, l’un des leaders des Black Panthers, lui aussi en exil et protégé par le président algérien Houari Boumédiene. Ce mariage lui vaudra un boycott très fort aux Etats-Unis, notamment de sa maison de disque.

Ces pressions et ce boycott ne la feront pas changer de ligne de vie ni de trajectoire artistique. Pendant plusieurs décennie, Miriam Makeba voyagera partout dans le monde pour chanter son amour l’Afrique. Une Afrique libre, tolérante et ouverte. Un combat qui lui vaudra finalement de nombreuses reconnaissances internationales, parfois de pays qui lui avaient tourné le dos quelques décennies plus tôt : Elle est notamment décorée par la France au titre de Commandeur des Arts et Lettres en 1985 et devient Citoyenne d’Honneur quelques années plus tard. En 1990, Nelson Mandela la persuade de rentrer en Afrique du Sud. En 1999, Miriam Makeba a été nommée Ambassadrice de bonne volonté5 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Makeba avait annoncé en 2005 qu’elle mettait fin à sa carrière, mais elle continuait à défendre les causes auxquelles elle croyait.  Elle fut présente à de nombreuses soirées de soutien pour des artistes engagés. Sa vie se terminera justement dans ce cadre là. Le 09 novembre 2008, à 76 ans, elle participe à Naples à un concert en soutien à Roberto Saviano, l’auteur du film Gomorra, menacé de mort par la Mafia. Mama Afrika venait de chanter pendant une demi-heure. Elle était montée en dernier sur la scène et attendait en coulisse pour le rappel du public. Elle s’est alors éteinte, sur scène alors que les spectateurs la rappelaient.

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1 commentaire

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Abdel-Nasser 11.11.2020

Maman Africa,tu resteras à jamais graver dans nos coeurs.Que Dieu tout puissant t’accueille dans son royaume

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