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Mémoire de luttes :
Facundo Cabral

Les artistes qui ont ouvertement pris part à des luttes ne manquent pas à travers les siècles et les continents. Pourtant, parmi eux, seuls quelques-uns sont allés plus loin, mêlant irrémédiablement leur œuvre, leur lutte et leur vie. Artistes entiers et sans concessions, ils ont consacré tout leur temps, toute leur énergie à écrire et chanter leurs luttes. Nous leur rendons hommage à travers une série de portraits. Après Lounès Matoub, Victor Jara et Miriam Makeba voici donc l’histoire de Facundo Cabral.

L’engagement politique n’attend pas le nombre des années. En Amérique du Sud, peut-être encore plus qu’ailleurs. Facundo Cabral en est l’un des exemples les plus saisissants. Abandonné par son père à huit ans, il s’installe avec sa mère et ses cinq frères et sœurs dans l’extrême sud de l’Argentine. La Terre de feu. À 9 ans, ce voyageur dans l’âme fugue pendant quatre mois. Son objectif : rencontrer le président de la République pour lui demander un travail pour sa mère ! Il réussit à traverser toute l’Argentine pour rejoindre la capitale. A Buenos Aires, il réussit à s’introduire dans le Palais Présidentiel et à parler au président Juan Domingo Perón et sa désormais célèbre femme, Eva. Grâce à cette conversation, sa mère obtient  effectivement un travail.

La jeunesse de Cabral s’écoule entre marginalité, alcool et prison. C’est derrière les barreaux qu’il découvre la littérature grâce à un jésuite qui lui apprend à lire et à écrire. Un an avant de sortir de prison, il s’échappe. En 1959, il s’installe dans la station balnéaire de Mar del Plata et trouve un travail dans un hôtel. Le patron, le voyant avec sa guitare, lui propose de chanter. C’est le début de sa carrière artistique. En 1970, il enregistre la chanson « No soy de aquí, ni soy de allá » qui le fait connaître dans le monde.

Cette chanson résume parfaitement le côté vagabond, rebelle et libre de Facundo Cabral :

« Il me plaît d’être l’ami des voleurs
Et des chansons en français
Je ne suis ni d’ici, ni d’ailleurs
Je n’ai pas d’âge, ni d’avenir
Etre heureux est la couleur
De mon identité »

Facundo Cabral quitte l’Argentine avec l’arrivée de la dictature militaire (de 1976 à 1983). Exilé au Mexique, il continuera d’écrire et composer une musique contestataire et subversive. « C’était l’un des ces types irrévérencieux qui font des choses que tu as toujours rêvé de faire, mais que tu ne feras jamais. Il n’avait pas de maison, il vivait dans des chambres d’hôtel. Il disait : autrement, on accumule des choses« , a résumé Tarrago Ros, l’un de ses plus proches amis, lui aussi chanteur. Véritable nomade, Facundo Cabral estimait avoir visité plus de 150 pays. Il enregistra des disques en neuf langues et écrivit une dizaine de livres dont un recueil d’entretien avec l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.

Cabral retournera en Argentine en 1984, juste après la fin de la dictature. Son succès sera encore plus grand (il remplira un stade de Buenos Aires en 1987). Il ne cessera de se battre contre toutes les dictatures d’Amérique du sud. Un combat qui sera reconnu par l’UNESCO en 1996 qui le nomme « Messager mondial de la Paix ».

Facundo Cabral est assassiné le 9 juillet 2011, lors d’une fusillade, alors qu’il se rend à l’aéroport de Guatemala, où il devait prendre un avion pour le Nicaragua. L’attentat était apparemment dirigé contre l’homme d’affaires Henry Fariña Fonseca, qui voyageait dans le même véhicule que Facundo Cabral. Sa mort a provoqué une immense vague d’indignation tant il était devenu une icône à travers tout le continent. «Au-delà de ces chansons, les gens aimaient l’entendre parler : c’était un prophète urbain», a déclaré, au lendemain de l’assassinat, Jorge Mazzini, producteur de ses spectacles.

Facundo Cabral, qui luttait dans un esprit pacifique et festif, avait annoncé : « Le jour de ma mort, une milonga vaudra mieux qu’une bougie pour me veiller ». Car pour Cabral, la mort n’était qu’un voyage (le dernier) parmi les très nombreux réalisés tout au long de sa vie.

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