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Majical Cloudz, son au naturel

Surtout, ne pas s’arrêter à leur nom de scène un peu kikoolol : les Majical Cloudz sont loin, très loin d’avoir l’attitude qui va avec. Ils jouaient le 18 avril dernier au Silencio, le fameux club imaginé par David Lynch, et on les a rencontrés dans les loges juste avant le concert. Une soirée sous le signe du contraste, avec des artistes francs et attachants perdus dans un lieu franchement égocentrique. C’est parti pour la plongée dans une pénombre à paillettes toute parisienne.

Toute une institution, ce Silencio. Première étape : le videur à cravate et iPad, dans l’encadrement de la discrète entrée du club. Puis il faut emprunter un long escalier sombre, qui s’enfonce sous Terre. Une descente qui semble faire partie du spectacle, comme si on abandonnait notre moi de jour en haut pour enfiler notre moi de nuit. Ce moi qui payerait 800€ l’année pour retrouver ses amis friqués – mais créatifs puisque la priorité est donnée aux « milieux créatifs internationaux » – dans ce club privé imaginé par David Lynch, accueillant toute l’année des concerts, vernissages et autres événements branchés.

Alors on a beau être bien accueillis, on ne se sent pas exactement à notre place, dans ces couloirs souterrains entièrement recouverts de miroirs et/ou de feuille d’or qui se ressemblent tous. 20h30, les Majical Cloudz ne sont pas encore dans le coin. Je patiente dans les loges ; couvertes de miroirs, elles aussi. « Désolés, on s’est perdus », avoueront-ils en arrivant. On les croit sans problème.

Il faut dire que leur musique n’a vraiment rien à voir avec le lieu : immense et fragile à la fois, comme un ballon de cristal qui roulerait au milieu des nuages, elle s’écouterait mieux sur une falaise ensoleillée. Quelques secondes suffisent pour être séduits par le chant hypnotique de Devon Welsh, avec cette immédiateté qui le caractérise. Devon, qui n’a pas suivi de formation musicale, « essaye d’être aussi direct que possible, de se focaliser sur l’énergie émotionnelle ». Même approche côté production, où Matthew Otto, qui a rejoint le projet l’année dernière, garde « la première version qui sonne bien ».

21h30, on part à la recherche de la scène. On finit par se retrouver dans une salle avec quelques canapés et des tables basses (en miroir, naturellement). Et puis une toute petite scène, avec un plafond avancé aussi bas que celui du Café de la Danse est haut, et des rideaux rouges à l’ancienne. Un peu comme les théâtres miniatures pour marionnettes. Pour le coup, ici, ce sont de vrais gens qui jouent, et on les sent un poil gênés. Devon tente de convaincre les gens restés près du bar de se rapprocher de la scène : « On se sent un peu seuls… ». Pour le « bon public » qu’ils me disaient chercher à toucher, c’est raté.

D’ailleurs nous aussi, on se sent un peu seuls au milieu de ces filles à talons hauts et ces hommes en costard. Mais heureusement, la musique est parfaite. Les morceaux s’épaississent, envahissent l’espace confiné. Devon, au départ extrêmement statique, se détend petit à petit, allant jusqu’à se plier en deux, tout en continuant de chanter. Toute son énergie semble s’écouler de sa bouche, en un flot intact, éclatant. Il nous fixe de son regard d’enfant, à la fois franc et hagard, et garde son poing serré sur le fil de son micro, comme s’il s’accrochait à une bouée de sauvetage. Derrière, Matthew s’éclate sur ses platines.

« En live, on ne fait pas semblant », dit Devon. « On veut juste que les gens ressentent quelque chose, n’importe quoi. » Mais surtout pas des « réactions standards ». Fan d’Arthur Russel, il explique : « En musique, il ne faut pas que les gens puissent te mettre dans une case, parce que sinon, ils n’interagissent plus de manière spontanée, mais juste en fonction de ce qu’ils pensent être normal pour ce genre. » Conscient de la noirceur de ses paroles, il fait quelques blagues, pour rééquilibrer le tout, éviter de tomber dans le « trop-plein d’énergie sombre ». Pour lui, un bon concert doit être une expérience contrastée, à la fois émotionnellement intense et légère, car « en tant qu’humain, on est un mélange des deux ». 

Une expérience, c’est le mot parfait pour qualifier cette soirée. Troublante, impressionnante. On est contents de revenir à la surface, de quitter cette atmosphère étrange sans doute voulue par Lynch, d’accord, mais quand même franchement oppressante. On reprend le métro et on retourne à notre vie normale, parenthèse fermée.

Crédit photo : Denis Nazarov

 

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