MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Lettre d’invitation pour le Hellfest 2016

Je ne m’adresse pas à toi, vieux métalleux de la vieille. Toi, qui serais capable de disserter six heures sur l’insondable richesse du genre, pour mieux distinguer grindcore, heavy, black ou brutal death. Non, je veux écrire ces lignes pour toi, le profane, le mécréant. Celui qui a les idées larges mais la culture métal étroite. J’aimerais te convaincre de venir me rejoindre l’an prochain, au Hellfest.

D’entrée, comprends bien une chose : le Hellfest est une expérience totale. On ne parle pas ici d’un simple rassemblement de milliers de festivaliers autour de scènes, bars, restaurants et tentes. On parle bien d’une culture à part entière qui a enfin trouvé son nid et cherche à vivre trois jours et trois nuits au rythme de ses codes et de ses valeurs. On parle d’organisateurs qui revendiquent l’idée de « vendre du rêve », avec toutes les tensions et paradoxes qu’une telle expression suppose, en associant deux mots si contradictoires.

Oui, le Hellfest mérite haut la main son appellation de « Disneyland du métal ». Certains le regrettent. Lui s’en honore. D’année en année, il investit, construit, sculpte, bricole, pour donner à voir, trois jours durant, le spectacle musical le plus époustouflant qu’il m’ait été donné de voir. De l’avis de tous les gens croisés, un immense pas a été franchi pour cette édition anniversaire. Là-bas, dis-toi bien qu’un bar ressemble à ça.

Tu commences à le deviner, là-bas, tu es dans un autre rapport au temps et à l’espace. C’est ce qu’on attend, par dessus tout, d’un festival : sa capacité à dépasser notre condition quotidienne pour mieux nous échapper vers un ailleurs aux contours qui ne ressemble à rien de connu. Trop peu l’ont compris ou n’ont surtout pas les moyens d’une si belle ambition. Grâce à son public et à son pouvoir d’achat dévolu à la passion qui l’anime, le Hellfest réussit ce tour de force et ne dépend dès lors plus seulement du succès ou de l’échec des prestations des artistes accueillis. Par exemple, cette année, Motorhead s’est planté et ce bon vieux Lemmy fait désormais peine à voir. Mais l’essentiel, tu l’auras compris, n’est pas là. Il réside plutôt dans cette exceptionnelle vision à 360 degrés, dans cette étonnante déambulation où des passionnés vivent enfin leur kiff à l’abri des réactionnaires et abrutis en tous genres. Avec sa grande roue et son hallucinant feu d’artifice pour fêter les 10 ans.

L’an prochain, tu ne viendras pas pour un anniversaire, certes. Mais hormis ces quelques pétards, tout sera encore là. Puisque ces installations, pour la plupart, restent désormais sur place toute l’année. Tu avais sans doute en tête qu’un festival était éphémère ? Il va falloir te faire à l’idée que non. Un décor devient pérenne s’il décide d’être à la hauteur d’une musique qui prend tant de place dans beaucoup de vies. Elle en prend moins pour nous. Mais le temps d’un week-end, tu ferais bien avec moi le pari de la curiosité, n’est-ce pas ?

HELLFEST-2015

« Non, la musique de Korn n’appartient pas au passé. Elle est là, vivante. C’est même la force de cette musique, au-delà ces chapelles : elle est éternelle. »

Alors bien sûr, le business reste omniprésent dans cette micro-société qui se joue sous nos yeux. L’an prochain, tu essaieras donc de fermer les yeux devant celui qui viendra, en plein concert, tenter de te vendre, avec son grand sac, une casquette du groupe parce qu’il voit que tu adores le show, comme ce fut le cas pour moi cette année devant Body Count. Tout Disneyland qu’il est, un univers, même parallèle, garde ses vices. Je t’en parle à toi car tu n’es pas particulièrement prude. Tu sauras donc également t’amuser de ces quelques banderoles et inscriptions comme Perçage d’hymen gratuit. Les Free hugs, ça va pour les Solidays. Tu sauras aussi dépasser les affres d’une sono capricieuse et qui a parfois pourri les concerts de Cavalera, Aibourne, Korn et Scorpions. Ce sera résolu quand tu seras là, j’en suis sûr.

Un autre truc te frappera sans doute dès que tu franchiras la porte de l’enfer : la moyenne d’âge. Elle doit être de dix ans plus élevée que dans les autres festivals français. Je n’ai jamais vu autant de vieux avec leurs chaises. Du coup, évite de préciser que, comme moi, tu as découvert le genre grâce au néo-métal, c’est plutôt mal vu sur place. Le métalleux est peut-être un modèle d’ouverture d’esprit, mais il a parfois du mal a comprendre pourquoi tu portais des baggys à 15 ans en secouant la tête sur Korn quand lui écoutait déjà Slayer à 9 ans. Mais si besoin, je te défendrai. Je lui rétorquerai qu’en 2015, Korn a joué l’intégralité de son premier album avec une rage et une envie qui ne peut inspirer que le respect. Non, la musique de Korn n’appartient pas au passé. Elle est là, vivante. C’est même la force de cette musique, au-delà ces chapelles : elle est éternelle. Elle permet toujours, près de trente ans après sa composition, d’entendre les mêmes récits de roulages de pelles sur « Still Loving You » quand ses géniteurs l’interprètent sur scène.

L’an prochain, quand on sera posés près des lance-flammes, je te raconterai comment les concerts de Meshuggah, Snot, Wolf Brigade, Terror, In Flames m’ont emballé lors de cette dixième édition. Et parce que je connais un excellent ostéo, on se niquera ensuite la nuque sans appréhension devant Tool, que j’espère sans trop y croire. On ira aussi boire du muscadet en passant devant cette entrée. Il y a aussi un excellent Thai pour reprendre deux trois forces. Promis, je ne t’emmènerai pas faire un Braveheart ou un Circle Pit. Mais par contre, si on croise Marilyn Manson dans la foule, j’aimerais que tu m’accompagnes pour lui demander d’arrêter de plomber son concert en apprenant à faire une transition correcte entre deux chansons.

S’il te plait, viens. D’accord, le pass coûte un bras. Mais le Hellfest tient sa plus belle promesse : il vend bien du rêve.

Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT