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Le Bout du Monde, histoire d’une fidélité à un festival

Le Bout du Monde c’est une vieille histoire. Seize ans passés ensemble, on s’est vus grandir, mûrir, faire des bêtises parfois, s’éloigner de nos racines et les retrouver. Mais on finit toujours chaque été ensemble. Nouveau stock de souvenirs après cette édition 2015.

Cours d’histoire

En 2000, les Vieilles Charrues sont en pleine explosion, prêtes à devenir ce géant incontournable de l’ouest qu’on aime et qu’on aime détester parfois. La recette est simple : ancrage dans le territoire, bénévoles, programmation généralistico-rock… Tous les bleds de France s’y mettent, avec plus ou moins de succès et de goût.   Sur son petit bout de champ au milieu des pins, dans le plus beau coin de Bretagne, le Bout du Monde adapte un peu ce modèle : les bénévoles sont liés à des associations du coin, une boîte de production (Quai Ouest, basée à Brest) tiens les manettes et la programmation musicale aura un thème : les musiques du monde.

Alors oui, on trouve les mêmes têtes qu’un peu partout ailleurs (gagnant sa place dans le top 10 des festivals squattés cette année), mais pas que. Et puis si ça permet à Nolwenn de découvrir Maya Kamati  avant d’aller voir Lavilliers ou à Loïc de tripper sur  Shantel & Bucovina Club Orkestar après avoir pogoté sur Ska-P, ça vaut le coup non ?

Dernière particularité, la clé du succès au long cours : une jauge bloquée à 20 000 personnes par soir depuis près de 10 ans. Au moment où les Vieilles Charrues et Bobital (vous vous souvenez ?) faisaient péter les scores et que le festival était complet chaque année 1 ou 2 mois à l’avance, ça dénote un certain état d’esprit. On sait ce qui s’est passé ensuite, certains comme Bobital ont explosé en plein vol avant de réapparaître (sans doute une punition divine pour avoir programmé Tokio Hotel) et les Charrues vivent chaque année dans l’angoisse d’un désistement de dernière minute ou d’un peu plus de pluie que d’habitude.

Pendant ce temps là le Bout du Monde a tracé sa route tranquillou, presque toujours à guichet fermé. Un jour en plus par-ci, un nouveau champ et un chapiteau par là, des gobelets réutilisables (parmi les premiers), des navettes pour aller se baigner, des toilettes sèches qui sentent bon la sciure, un petit café au camping le matin… Et surtout de la place ! Le Bout du Monde, le rendez-vous des agoraphobes de tous horizons. Logique en fait.

chapiteau

Crédit photo 'Le chapiteau'  par Christophe Marty

Et cette année ?

Ça peut paraître con de parler de confort et d’organisation pour un festival mais au final ça fait partie de ce qui démarque le Bout du Monde des autres. Les progrès cette année : moins de queue pour rentrer au camping, un site mieux foutu et de la Coreff IPA (mais on ne vous dira pas où, un amateur ne révèle pas ses coins à champignons). Aussi, une déco très travaillée. Et puis du beau temps tiens, ça a dû coûter cher en sacrifices humains et en gourou/heure mais on apprécie l’effort. Résultat : tout le monde se met vite à sourire et la sécu semble plus décontractée cette année. Et même si les gens trop contents nous énervent, on fait avec cette fois.

Une fois qu’on a fait le tour des nouveautés, laissé les copines s’essayer au pisse-debout (les urinoirs deviennent mixtes, la révolution est en marche), on peut aussi écouter de la musique.  Les stars du week end, Asav Avidan et Selah Sue savent ce qu’ils font, dans l’énergie pour l’un et la maîtrise pour l’autre. Ceux qui venaient uniquement pour les voir n’ont pas été déçus. Au contraire de Fakear. Jamais vu autant de monde à 2h du mat’, ils avaient tous quitté le camping entre deux binouses pour leur dose d’électro. Et ça n’a pas vraiment pris. Pas mauvais en soi, mais trop policé, trop contrôlé, pour l’heure surtout.

La section chanson française était d’assez bon goût cette année mais si on ré-entends Hugues Auffray chanter L’Homme au tambourin un jour, on va vraiment s’énerver. On ne va pas épiloguer sur la polémique du « groupe surprise », Le Télégramme l’a déjà fait. Juste un conseil : à 17h le Dimanche la prochaine fois, pendant l’apéro, c’est moins casse-c… pied, ohé ohé!

Pour le reste, on a raté Michel Jonasz. Ce n’est pas encore cette année qu’on connaîtra tous les standards de Duke Ellington, merde… Par ailleurs, CharlElie Couture et son piano ne sont pas venus pour se faire des amis et si t’aimes pas ce qu’il fait il ne te tiendra pas par la main. Même les connaisseurs ont eu du mal à suivre, mais au moins il vient avec une proposition.

Beaucoup plus généreux,  Arthur H par contre. Après un début qui se cherche, une version d’ « Est-ce que tu aimes ? » un peu molle, on a aimé lorsqu’il a sorti sa veste qui clignote, dansé dans son caddie couvert de néons et imité la pleine lune. Comme ses textes, tout est parfaitement limpide quand ça vient de lui. C’est parfois un peu gauche mais toujours profondément sincère.

La vieille gloire du rock annuelle Eric Burdon (les Animals putain !), s’en est pas mal sortie. Ça a mis un peu (beaucoup) de temps à prendre, le son 60’s a été remplacé par les guitares trop propres des 90’s, mais il a toujours sa voix et pue le blues à plein nez. Et puis ça fait une bonne étude sociologique : qui reconnaît « Don’t let me be misunderstood ? » Un tiers, pas trop mal. « Spill the Wine ? » Plus chaud. « House of the rising sun ? » Haaaaan, c’est lui ?? Eh ouais.

Pour les surprises, il faut aller voir sur les petites scènes, c’est là où est l’essence du festival. Genre, le premier jour à 16h, on sait pas encore ce qu’on fout là et on tombe nez à nez avec Krismenn, Alem Quartet : beatbox + chant breton + chant indien, c’est absurde mais ça prend direct ! Le résultat ressemble à ça. Dans le genre absurde mais tout aussi fascinant, DakhaBrakha, qui commencent à être connus dans les milieux autorisés (aussi membres de nos chouchoues de Dakh Daughters). Mélange de polyphonies ukrainiennes et trip néo punk avec accordéon, percussions et violoncelle. Le tout est parfaitement maîtrisé. Ça pourrait virer à l’exercice de style mais entendre ça à 1h du matin, ça vous fout des frissons.

On continue dans l’incongru avec Orkesta Mendoza, une collaboration entre Sergio Mendoza, qui a souvent tourné avec Calexico, et Salvador Duran, chanteur mexicain – accessoirement homme le plus classe du monde. On ne sait pas toujours ce qu’on écoute, entre une B.O. d’un film de Tarantino et du Patrick Sebastien sous mescaline. Mais y a du talent, on s’amuse bien et on ne va pas bouder notre plaisir !

Lisa_Simone

Crédit photo 'Lisa Simone' par Gildas Bescond

Beaucoup plus traditionnel, du moins en principe, on retrouve Lisa Simone, la fille de. À la fois parfaitement soul mais dégageant une énergie très rock, on sent le plaisir et la complicité avec son groupe, une gamine de 52 piges qui s’amuse sur scène. Pas mal non plus : Jungle By Night, beaucoup de groove chez ces gamins hollandais avec des gueules de membres cachés de One Direction. On se gratte un peu la tête pour voir l’influence afrobeat promise dans les descriptions, mais en tant que big band electro-funk ils connaissent leur affaire.

Tiens au fait: le son sous le chapiteau est nickel, ça fait plaisir. Le confort, toujours.  Et puis on finit avec Faada Freddy, le morceau de bravoure du festival. C’est soul, c’est catchy mais sincère aussi. Le concept : sur scène, ils sont 5 autour de lui, sans instruments. Tout est fait à la voix et percus corporelles. C’est le genre de gimmicks qui pourrait tourner en rond, sauf quand on a affaire à des Dieux (et Déesse) du genre. L’ingé son aussi doit avoir son auréole cachée quelque part. En plus, ils ont la méga classe. Et ils sont marrants. Ça énerverait presque, autant de talent tiens.

Pour conclure, on va se plaindre un petit peu. Les têtes d’affiches ont leur rôle, c’est un mal nécessaire qui donne parfois de bonnes surprises. Ce qui est plus embêtant ce sont ces groupes qui parlent de musique métissée, de mélange des genres, et qui finissent par faire de la world music, de la soupe folk ou soul trop calibrée. On ne donnera pas de nom ils se reconnaîtront, mais il y en a eu un peu trop certaines années. C’est parfait pour la radio, pour les oreilles de Damon Albarn ou Manu Chao, mais c’est pas forcément ce qu’on vient chercher ici. Ce qu’on retient c’est plutôt ce petit groupe venu d’on sait pas où, qui fait sa musique, avec son âme, et qui cloue tout le monde sur place, sans crier gare. En seize années, ça fait une palanquée de belles surprises et on espère évidemment que ça va continuer.

Crédits photo de couverture : Christophe Marty
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