MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Fermeture du Point Éphémère : « Le lieu devient un bouc-émissaire »

Le Point Éphémère est fermé depuis vendredi soir et n’a pas le droit de rouvrir avant le samedi 27 octobre. La préfecture a sanctionné la salle du canal Saint-Martin suite à un incident aux abords du lieu en mai dernier. Surprise et choquée, l’équipe du Point Éphémère a publié dimanche un communiqué et lancé une procédure pour tenter de casser cette décision lourde de conséquences. Christophe Pasquet, son responsable, répond à nos questions.

Comment s’est passée cette journée du vendredi 19 octobre ?
La BRP (Brigade de répression du proxénétisme) m’appelle à 18h m’annonçant la notification d’une fermeture administrative prenant effet à 22h30. D’abord abasourdis, nous avons cherché par tous les moyens à trouver des solutions, appréhender la situation, attendre le moment T.

Comment expliquez-vous la méthode de la préfecture (pas de négociation sur les modalités d’application, annonce quelques heures avant la mise en place de l’arrêté) ?
Le commissariat de proximité est exaspéré par les appels et plaintes de certains riverains sur l’ensemble des abords du canal, les voisins qui se plaignent de la présence de sans-papiers, de SDF, et simplement des gens qui profitent des berges, se réunissent pour des moments conviviaux. Cette population hétéroclite s’envisage pour eux comme une véritable nuisance. Le Point Éphémère avec sa forte visibilité devient le bouc émissaire de cette situation. Il est très clair que, dans cette affaire, le Point Ephémère est victime d’un environnement compliqué. D’un côté, quelques riverains intolérants et procéduriers. D’un autre, des groupes parfois violents de dealers, voleurs et autres. Le commissariat, par commodité, nous accuse de cet état de faits. Il voulait nous punir, il a été entendu.

Que pouvez-vous nous dire sur l’incident de mai dernier à l’origine de cette fermeture ?
Un client du Point Éphémère, après avoir quitté le lieu, s’est fait agresser à 100 mètres par un inconnu fortement alcoolisé, a été blessé gravement à la gorge par un coup de tesson de bouteille. Il a été secouru immédiatement par les agents de sécurité de Point Ephémère, qui lui ont apporté les premiers soins, ont appelé les secours et ont immobilisé l’agresseur jusqu’à l’arrivée de la police. Aujourd’hui, la police affirme, sans aucune preuve ni témoignage, que l’agresseur était un client, qu’il était rentré déjà alcoolisé, qu’il avait fortement consommé dans l’établissement et que son état l’avait conduit à agresser un passant. Exactement l’inverse de la vérité. Nous ne savons pas comment ni pourquoi le rapport de police a été transformé de la sorte : erreur de transcription, manipulation ?

On imagine que des incidents de ce type sont déjà arrivés depuis la création du lieu, sans que cela provoque une telle décision ?
L’environnement du Point Éphémère est très sensible, une grande concentration de personnes en situation de précarité extrême et la présence de dealers installés bien avant l’ouverture de Point Éphémère favorise les dérapages et les accès de violence. Depuis 8 ans déjà, nous sommes toujours arrivés à faire face à des situations parfois violentes, nous avons régulièrement averti la mairie et le commissariat pour essayer de trouver des solutions. Mais jamais nous n’aurions pu penser que la police pourrait nous accuser d’en être les responsables.

Avez-vous remarqué, au delà de cette fermeture, un durcissement de ton de la part des autorités sur la gestion des lieux festifs dans Paris ?
Depuis plusieurs années, nous sentons un durcissement évident, nous l’expliquions par un climat politique propice à ça : intolérance, grands discours sécuritaires, la notion de droit au silence. Nous espérions que l’alternance politique permettrait au moins l’ouverture d’un dialogue constructif entre les intégristes du zéro bruit et du monde du soir et de la nuit. C’est peu dire que nous sommes déçus.

Quelles peuvent-être les motivations d’une telle sanction ? Qui peut bien avoir quelque chose à gagner d’une décision comme celle-ci ?
Pas de Kabale contre nous, le préfet nous sanctionne juste sur la base d’un rapport de police certainement accablant mais dont l’accès nous est pour le moment interdit. Comment se défendre dans ces conditions ? En revanche, la méthode de notifier une fermeture immédiate un vendredi à 18h au téléphone démontre une volonté de nuire évidente. Nous entamons une procédure judiciaire pour contester la décision sur la forme et le fond.

Concrètement, pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous cette fermeture administrative : pour les employés, pour les artistes, pour le public ?
C’est d’abord l’annulation de 5 concerts, d’une exposition, la mise en congés de 20 personnes. Entre les pertes d’exploitations et les frais de fonctionnement et indemnités, la perte financière va être de plusieurs dizaines de milliers d’euros (NDLR : environ 80.000 selon le communiqué de la salle publié ce dimanche).

Dans quelle mesure cette fermeture peut porter atteinte au Point Éphémère, à sa survie ? Le Point Éphémère en a vu d’autres, l’équipe est solidaire et les artistes aussi, mais nous avons peur de l’escalade des sanctions et de la manière dont nous allons pouvoir à l’avenir pratiquer nos métiers. Nous sommes très inquiets sur ce point.

Qu’allez-vous faire jusqu’à samedi prochain ?
Nous lancer dans une procédure judiciaire pour faire valoir nos droits et révéler la vérité sur les faits. (NDLR : L’avocat de la salle a déposé samedi matin un référé-liberté devant le tribunal administratif. Le juge doit alors se prononcer sur le maintien ou non de la fermeture sous 48 heures. La réponse devrait donc être annoncée dans la journée de lundi.)

Avez-vous prévu des moyens pour vous apporter un soutien, d’une façon ou d’une autre ?
On ne peut pas prévoir de moyens mais nous sommes ravis, touchés des marques de témoignages et de solidarité qui nous permettent d’avoir encore envie.

Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT