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Clark : « Sortir ce disque, c’est comme donner son enfant à l’adoption »

La musique sculpturale de l’Anglais Clark est faite de lignes, d’angles, de moulures, de volumes et de mouvements. Elle possède une matière industrielle à l’allemande, une prise de risques qui a fait l’histoire du label Warp et un côté lo-fi et crado des débuts de la musique électronique. Dans notre interview à propos de son nouvel album, il se rappelle son obsession pour la jungle à 14 ans, se marre bien quand il entend dire que le Berghain est underground et considère l’absence d’éternité et la connaissance de notre mortalité comme la chose la plus inspirante qui soit.

Que raconte ce nouvel album ?

Je suppose que si je pouvais expliquer ma musique, je ne la composerais pas. C’est un truc de fou d’avoir fait ce disque. C’est presque comme donner son enfant à l’adoption. Tu veux qu’il soit récupéré par de bons parents. J’adore l’idée des gens qui écoutent ce disque et qui ont toutes sortes de fantaisies ou d’expériences. Je pense qu’il n’est pas utile d’expliquer un album. Je n’aurais plus d’intérêt à composer.

Un jour, tu as laissé tes fans discuter avec toi sur Internet. Un mec t’a demandé à quel point ta musique était accidentelle ou intentionnelle. J’ai trouvé ça intéressant et te pose la question à nouveau, à propos de ce disque.

C’est comme les expériences sur des accidents de voitures contrôlés. Il doit y avoir des surprises, des accidents heureux et des coups de bol, mais on ne sait pas toujours à quoi s’attendre. Parfois, j’ai un vrai objectif quand je commence. Et puis, avant que je m’en rende compte, les beats sont devenus des mélodies, le morceau est plus rapide de 100bpm et je suis en train d’utiliser 4 sons de dingues au lieu des 40 mauvais du début.

Tu passes ta vie à composer ou c’est à l’occasion ?

Pour être honnête, je vis un moment assez compliqué en ce moment parce que ça fait presque 3 semaines que je n’ai pas fait de musique, à cause de la promo. J’ai l’impression d’avoir été abandonné par mon amoureuse. D’habitude, je déteste VRAIMENT ne pas composer. Je deviens irritant. Ce rituel est un réel besoin naturel dans ma vie. J’ai rapidement hâte de revenir dans mon studio. Normalement, quand je finis un disque, j’enchaîne direct sur un suivant. Mais avec celui là, pas tellement. Comme si je ne savais pas où aller. C’est un sentiment assez étrange. Ça veut, à peu près dire, que j’en suis pas mal satisfait.

C’est pour ça que tu l’as appelé simplement « Clark » ?

J’avais beaucoup d’autres titres mais ils ne marchaient pas pour celui-là. En fait, je collectionne les titres. J’ai des livres entiers de titres, des milliers de mots qui sonnent épiques mais celui-ci sonnait simplement « Clark ». Ça lui donne un poids.

Ton titre le plus bizarre ?

Un truc comme « Frackus man tits ». Ou un étrange « fsgjskj55634 ». Mais je déteste ce genre-là. Ils servent juste aux geeks à se comprendre. Après, j’aime ceux qui ont une bonne sonorité. Comme Sodium Trimmers, je n’ai toujours pas la moindre idée de ce qu’il veut dire, mais tout le monde semble le trouver fun et dark. Ça me va.

C’est handicapant dans la vie d’être un compositeur compulsif ?

Pas du tout. A part quand je ne compose pas (Rires). Chose nouvelle : j’ai pris beaucoup de plaisir à faire la promotion de ce disque, les interviews ont été super cool [le stress de réussir du journaliste compétent et ambitieux monte soudainement d’un cran / NDLR]. Mais je veux me mettre à bosser. Sûrement sur un truc massif. Genre, aller dans un lieu de dingues avec la masse de microphones perchés partout. Ça serait fun. Ou me remettre au piano. Parce que ce nouvel album était entièrement programmé. Il sonne « live » mais ne l’est pas. Je veux me remettre à enregistrer des instruments. J’ai perdu l’habitude.

Quels sont tes premiers amours électroniques ?

J’ai toujours aimé la jungle. Ce qui a toujours fait doucement sourire mes amis français. C’est tellement British d’aimer la jungle. Je me rappelle lors de ma découverte des sampleurs d’être complètement obsédé par ce style. Comme il était rebelle, direct, dangereux. Maniaque, pur, rempli d’adrénaline. Pas vraiment de la jungle middle class un peu trop intello, mais plus des pionniers de la jungle originelle. Shy Fx par exemple ou pas mal d’Ed Rush [qui a beaucoup participé à la production pour Optical / NDLR]. A côté, la drill n bass – middle class – avait une tête de musique pour enfants. Le morceau [en écoute juste en-dessous / NDLRInput de Fierce & Nico est un bon exemple de ce qui se faisait de mieux. Ça me rendait complètement dingue quand j’avais 14 ans. Ça, c’est dark.

Que penses-tu des raves, de leur évolution ? Quel est ton rapport à ces rassemblements ?

Je ne vais plus vraiment dans des raves, à part quand j’y joue. Tu pourrais trouver ça étrange, je ne le pense pas. Il me semble que la rave est encore en vie mais différente. Tu ne peux plus vraiment les comparer aux teufs illégales, où tu composais un numéro de téléphone, puis tu écoutais le message vocal te donnant les indications d’une vague warehouse. Et dire que les gens pensent que le Berghain est underground. J’aime le Berghain mais il représente une forme particulière du cool, légèrement artificielle. Merde, c’est juste un habile calcul de hype. Alors que les vieilles raves jungle, c’était de la pure subversion. Tous ensemble, de toutes les origines et cultures. Quelle vibe de fou.

Es-tu un spirituel ? Pas forcément la part religieuse, je veux dire.

Je ne suis pas religieux du tout. Je suis athée sans que ça m’ôte une spiritualité. Je trouve, entre autres, compliqué d’être convaincu par Darwin et Freud. Freud est d’ailleurs très mal interprété, les gens utilisent ses concepts avec beaucoup de paresse et ça a tendance à m’ennuyer. J’ai l’air d’être énervé, là, mais je ne le suis pas. Beaucoup de gens ont une vision triste du fait d’être mortel, d’un monde où l’éternité n’existe pas, mais pour moi, c’est exactement ça qui est inspirant. La crainte de la mort me lève du lit.

As-tu l’impression de faire des disques intemporels ou extrêmement datés comme les machines ?

Je veux toujours faire le son de  « maintenant ». Mais maintenant est un grand mot. Je reviens inexorablement à certaines choses, et ça dépend pas mal de ce que j’écoute comme musique au moment où je vais produire. C’est ma façon d’être un peu intemporel. La musique est comme une armure, tu dois faire en sorte qu’elle soit impénétrable de toutes parts, suivant tous les angles. Tu dois l’enfiler et avoir l’impression qu’elle te protège de tout. La musique, contrairement aux hommes, est immortelle.

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