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Bertrand Belin : « Je ne regarde pas les choses pousser, je les plante »

Fini le précédent album « Hypernuit », le nouveau « Parcs » laisse place à davantage de luminosité à travers douze titres « belinesques ». C’est-à-dire ancrés dans des métaphores qui nécessitent plusieurs écoutes afin de déceler le message caché, derrière une orchestration léchée. Nous avons rencontré Bertrand Belin et avons pu nous rendre compte de son franc-parler.

A l’instar d’un bachelier qui rend sa copie en se disant qu’il aurait pu faire mieux – en disposant de plus de temps par exemple – connais-tu ce sentiment lors de la finalisation d’un album ?

Je ne me dis pas que j’aurai pu faire mieux, mais que l’album aurait pu être mieux. Moi, je fais le maximum à chaque fois. Entre les mains d’une autre personne, il aurait pris d’autres perspectives. La sensation d’abandon à la fin d’un ouvrage, se retourner vers d’autres aventures, c’est un sentiment répandu. La plus grosse partie du plaisir n’est pas de s’écouter, mais le fait de fabriquer. C’est comme se regarder dans la glace : on se voit sans se voir.

Sens-tu qu’une chanson connaîtra plus de succès que d’autres ?

J’ai aucune illusion là-dessus. On sait très bien quelle chanson peut prendre une pole position dans un disque. C’est un protocole extrêmement cadré. Une chanson avec un tempo trop lent n’aura aucun intérêt pour les radios. Plus le morceau sera joyeux, plus il intéressera les médias. Je ne parle pas en termes de qualité, mais de manière formelle.

Bertrand Belin - Un deluge
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Jouer la comédie en même temps que de la musique, lors du projet Imbécile, ça t’a plu ?

Oui, ça m’a plu. A la fois, c’est reposant car on n’est pas dépositaire du contenu de l’œuvre. En même temps, comme je suis très attaché à la langue, au texte et au contenu des choses, j’aime mieux quand je suis plus impliqué dans les projets, plutôt que d’être une silhouette ou un comédien qui s’ignore. Je suis d’ailleurs incapable d’estimer mes compétences en la matière.

Nick Cave a besoin d’aller dans un bureau qu’il loue afin de pouvoir écrire. As-tu un processus créatif huilé ou routinier ?

A part décider de travailler pendant quelques jours, pas vraiment. J’ai un petit studio à Montreuil où je vais travailler, pas tous les jours. Quand j’y vais, je mets devant moi des fragments de choses accumulés. C’est un paradoxe car je travaille un peu tous les jours à travers ce que je collecte, j’inventorie. Après, je passe à la concrétisation. Par contre, avoir un bureau et me lever à 6h du matin, je crois que ça n’arrivera jamais (sourire).

Un ami t’a vu au bar à la fin d’un concert, marrant et bon vivant. Anecdote amusante. As-tu conscience d’avoir l’image du grand ténébreux, solitaire et taciturne ?

Je te donne l’impression d’être un sinistre moribond ? Il ne faut pas se fier à tout ce que l’on raconte.

Ça provient peut-être de certains de tes textes ?

Pff… Tu vois, Steven Spielberg lorsqu’il fait La Liste de Schindler, il n’est pas dans son film. Comme n’importe quel auteur, je suis capable de prendre de la distance. Mes textes ne sont pas autobiographiques. Certains comme Amy Winehouse chantent une part d’eux à travers leurs déboires. On ne sait pas ce qui est vrai ou fictif. Moi, je suis plus un jardinier inquiet… Mais je ne regarde pas les choses pousser, je les plante.

L’actualité t’inspire ? Ce que tu vois dans la rue ?

Ce qui se passe dans la rue, je m’en fous complètement. Ce n’est pas parce que je vais voir quelqu’un glisser sur une peau de banane que je vais en faire une chanson. Bien que je dise que ce n’est pas autobiographique, je n’invente pas le ton et l’humeur. Le contenu, bien que ça ne soit pas très clair et que je ne raconte pas des histoires drôles, comment te dire… L’actualité comme hématome, comme enceinte, elle donne une impulsion. Elle donne une impulsion aussi pour produire des choses très superficielles, excitationnelles, dans un puits sans fond. L’actualité apporte une certaine suspicion à la marge du monde. Cela procure un regard critique.

Quel est le ton de « Parcs », ton nouvel album ?

Carré, jaune et aubergine (rires). Le ton ? J’ai toujours pensé qu’il était plus solaire que le précédent. En même temps, ce n’est pas difficile (ndlr, son dernier opus s’appelle Hypernuit). Curieusement, des retours de proches ne le sentent pas comme ça. Ce n’est pas un album de rupture. Je dirai que c’est une autre saison.

Tu travailles avec une batteuse qui apporte sa voix. Comment est né ce processus ?

On joue ensemble depuis de nombreuses années. On est amis. C’est venu surtout sur l’album précédent où j’ai expérimenté l’espace de la chanson comme une scène de théâtre. Je voulais poser une certaine altérité dans le texte, qui pourrait intervenir ou commenter comme acteur ou spectateur. Sur scène, elle peut intervenir quand elle veut. On n’est pas dans une écriture très figée.

Tu aurais carte blanche pour une scène avec des potes musiciens, qui inviterais-tu ?

En fonction de chaque semaine, ça pourrait changer. En ce moment  : Miss Jones, Arlt, Seb Martel. J’inviterais bien un quatuor à cordes pour qu’il joue du Ravel.

Tu vois beaucoup de concerts ?

De fait, par les tournées ou les plateaux, je suis amené à en voir. De moi-même, j’en ai fait un peu plus cette année car il a fait vilain, donc moins l’occasion de soirées en extérieur. Enfin, je ne suis pas un écumeur de salles de concert.

Un live t’a marqué récemment ?

J’ai beaucoup aimé le dernier concert de Jean-Louis Murat au Trianon. Vraiment un très bon moment. Sinon, actuellement je n’écoute pas beaucoup de musique. Ah si, j’écoute Queen (sourire). J’aime beaucoup.

As-tu suivi le rapport Lescure à propos d’Hadopi ?

Un peu, par le biais de la presse. C’est un sujet extrêmement vaste qui nécessite beaucoup de connaissances. Notamment des enjeux économiques, qui ont des ramifications tellement vastes que  mon petit point de vue n’aura rien d’éloquent. Mais je peux m’exprimer sur le sujet, car je n’ai aucun doute que les gros poissons continueront à manger les petits. Aucun doute.

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